"La chanson est un cadeau de la vie"

Publié le par Blue

extraits d'1 Itv disponible sur le portail de la  SACEM
Propos recueillis par Garbriel Armand

Carpe Diem (Mets à profit le jour présent) : Lara Fabian a fait de l'injonction d'Horace, qui trouvait la vie trop courte pour ne pas en jouir, sa devise. Carpe Diem, est aussi le nom d'un premier album, d'abord sorti au Canada, son pays d'adoption, puis en France. Soit 850 000  exemplaires vendus, prélude à un autre succès, celui du disque Pure, fer de lance de cette nouvelle étoile d'origine italo-belge, qui, en moins de deux ans, a su s'imposer avec des chansons comme Tout, ou encore Je t'aime, qui se vendront à quelque… 2 200 000 albums ! 1998 aura donc été l'année Lara Fabian avec notamment une tournée triomphale à travers la France. De l'Olympia au Palais des Sports en passant par le Zénith, ce sont 150 000 spectateurs qui ont eu la chance de la voir sur scène et surtout d'entendre sa voix spectaculaire aujourd'hui gravée dans un double " live ", disque d'or dès sa parution.

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1998/99: clips en rotation, émissions de télévision, ou interviews accordées à la " presse people ", Lara Fabian était partout, ne négligeant rien de son image.
Mais la connaît-on vraiment, cette jeune femme de 29 ans qui fut comparée dès ses débuts à Céline Dion et fut même sa rivale à l'Eurovision 1988 ? Quel regard porte-t-on sur le monde lorsqu'on se retrouve " lonely at the top ", comme chantait Randy Newman, et qu'on respire chaque matin le doux parfum du succès ?
Comment rester nature lorsqu'on retrouve soudain une star dans sa glace, son prénom dans les vitrines et son sourire en prime-time ?
C'est tout cela que nous voulions savoir de Lara Fabian, qui s'est volontiers prêtée au jeu des questions-réponses, blottie dans un canapé d'hôtel de style cosy du 8ème arrondissement. Très naturelle, ne laissant rien voir de sa fatigue, elle est arrivée à peine remise d'une émission de variétés télévisées (Tapis Rouge) enregistrée tard dans la nuit. Avec Lara Fabian, il n'y a pas de demi-mesure : on aime ou on n'aime pas. Mais, quand on la rencontre, une chose est sûre, on repart sous le charme.

-Vous êtes, dites-vous, quelqu'un de très Carpe Diem. Qu'entendez-vous par là ?
- Carpe Diem signifie en latin saisir le jour. Ma philosophie de vie est basée là-dessus, pas forcément ma philosophie d'écriture. Puisque dans l'écriture, on peut aussi bien traiter de ce qui est fictif et se passera dans le futur que de ce qui est passé et ne reviendra pas. C'est exactement à l'opposé du " carpe diem " qui invite justement à ne pas se préoccuper de ces deux dimensions afin de vivre totalement dans le présent. C'est une façon pour moi de me guérir de cette hantise constante que j'ai, et du futur et des erreurs que j'ai pu faire dans le passé. Un exemple : j'ai fait une télé, je n'étais pas contente du résultat, je vais y penser pendant deux semaines ! Je suis aussi très inquiète vis-à-vis d'évènements à venir. Il faut arrêter à un moment. Parce qu'au lieu de se préoccuper de ce qui s'est fait pour lequel on ne peut plus rien, ou de ce qui viendra et pour lequel on ne peut rien encore, il vaut mieux se concentrer sur le présent.

- Vous considérez-vous comme trop perfectionniste ?
- Un peu trop en effet. Cela devient presque maniaque chez moi. Il y a un petit côté désagréable à être comme ça, mais je n'y peux rien. L'avantage, en revanche, c'est qu'on finit par bien faire les choses.

- Comment avez-vous vécu le concert du Stade de France ?
- Comme un grand moment. Quand on parle de performance artistique, cela a été le sommet musical de cette aventure française. En dehors de l'enceinte même du stade, il y a eu l'événement que Johnny a su créer, avec cette mise en scène grandiose. Quatre cents artistes présents sur scène au moment du Requiem pour un fou, il faut le faire ! Musicalement, c'était sublime. Les voix, les cordes, et lui. Johnny, à lui seul, il est 85 000 personnes ! Je suis convaincue qu'on ne peut pas remplir un stade et le faire vivre comme il l'a fait si on n'a pas, à l'intérieur de soi, l'énergie qu'il faut pour nourrir autant de gens. La force de Johnny, elle ne réside pas dans les feux d'artifices qui ont éclaté à la fin du spectacle et qui ont illuminé le stade, mais dans cette manière qu'il a de prendre à bras le corps le public. Qu'il ait en face de lui dix mille ou cent mille personnes, il reste le même. C'est un homme intelligent, timide, réservé, construit comme un roc, qui peut supporter tout et n'importe quoi. L'événement a été exceptionnel, pour moi, grâce à la présence de cet artiste et à la compréhension que j'en ai eu enfin lorsque je l'ai vu debout sur la scène et que je l'ai vu travailler.

-Pourriez-vous définir le type de chanson dans lequel vous vous sentez à l'aise ?
-Mélodiquement, elle doit rejoindre ma tessiture de manière à ce que ma voix soit à l'aise dans cet écrin musical. Au point de vue du texte, il faut que les mots soient rattachés à quelque chose qui m'est cher, et que, phonétiquement, ils collent à la musique. Si on a un très beau texte, mais qu'il se chante mal, je ne prends pas la chanson. Ce qui est formidable dans Je suis malade, par exemple, c'est l'envolée vocale avec les sons ouverts. Il fallait le faire. Cette chanson est dûe à une femme chanteuse, qui en a écrit la mélodie (Alice Dona), et à un homme qui aime les femmes (Serge Lama), qui en a fait le texte : c'est l'alchimie parfaite.

-S'il y a une chose qui vous bouleverse particulièrement, c'est bien la musique, dont vous dites qu'elle est un cadeau de la vie qui la rend magique.
- Je pense qu'il y a une dimension divine, et donc qu'on ne contrôle pas humainement, au moment où un air nous traverse l'esprit et où on arrive à l'harmoniser au piano. Bien sûr, il y a une connaissance musicale, un métier qu'on peut apprendre. J'ai, pour ma part, dix ans de musique classique derrière moi. Ca aide de connaître les classiques et de pouvoir jouer du Chopin ou du Debussy. Mais, lorsqu'on applique ça dans la réalité d'un monde neuf et qu'on doit écrire une chanson pop, cela n'a plus rien à voir. On a beau avoir fait toutes les écoles que l'on veut, on ne saura jamais expliquer le moment créatif où l'inspiration survient. Les chansons que peuvent écrire des gens comme Jonasz, Cabrel ou Goldman, n'existent pas parce que on a écrit trois hits avant. Il y a un moment divin qu'on ne contrôle pas. Ca vaut également pour la voix. Il y a des gens qui naissent beaux, d'autres avec une voix. Le seul mérite qu'on l'on a, c'est le travail. C'est pourquoi, il peut arriver que l'on bosse entre 12 et 16 heures par jour sans interruption. Moi, je suis née avec une voix et avec cette espèce de chose qui me donne envie d'écrire des chansons. Je crois avoir la curiosité nécessaire qui fait que l'on aime développer tel ou tel thème.(...) J'aime les gens, mais aussi ce qui m'entoure. Parfois, j'ai simplement envie de m'asseoir et de penser. Certains adorent écrire dans un journal, d'autres ont des conversations philosophiques, moi, j'apprécie de prendre une feuille de papier et d'écrire durant des heures sur ce que je ressens, ce qui me touche.

- En 1997, personne en France ne vous connaissait. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
- Je croyais beaucoup dans la chanson Tout, mon premier single. Je me disais : c'est une musique qui va passer parce qu'elle est sincère, vraie, authentique. Je ne pensais pas qu'on allait vendre 2,8 millions d'albums. Avec les singles, On a dépassé les cinq millions d'unités de disques, c'est incroyable ! Surtout en 18 mois. La seule chose que je savais, c'est qu'il y avait un truc qui allait prendre. Je pense que c'est le résultat de la sincérité. Etre glamour, star, se cacher derrière un mystère, s'arranger pour toujours arriver vêtue d'une belle robe, dans une belle limousine, entourée de bodyguards, ce n'est pas mon truc. Je crois qu'on peut être starissime en étant simplement soi-même.

-Qu'est-ce qui fait, selon-vous, votre singularité ?
- Elle ne réside pas dans la qualité de ma voix. Des filles qui chantent aussi bien et mieux, il y en a. En fait, je donne l'impression aux gens qu'ils pourraient eux aussi être des stars. Ce n'est pas nécessaire d'avoir le corps d'Adriana Carambeu, l'esprit de Sharon Stone pour devenir quelqu'un. Moi, je suis la voisine d'à côté et pourtant j'ai réussi à faire quelque chose. Mon public réunit aussi bien des enfants de trois ou quatre ans que des personnes de 77 ans.

- Le fait d'être connue comme vous l'êtes ne donne-t-il pas le vertige ?
- Vous savez, ça m'a pris dix ans avant d'être connue. J'ai eu le temps d'avoir des expériences, de ramer à travers maintes et maintes mers. C'est sûr que je suis ravie, que c'est fantastique. Mais je n'ai pas eu le tourbillon dans ma tête. Cela tient sûrement beaucoup au fait que j'ai une équipe extraordinairement " famille ", sobre et saine. On ne me dit jamais quand je descends de scène : "Chérie, tu a été extraordinaire !". La première chose que l'on me signale en général, c'est ce qui n'a pas été. C'est peut-être pour ça que je suis perfectionniste, parce que je suis entourée de gens qui ne sont pas tendres avec moi. Ils m'aiment, mais ne me pardonnent rien. Je souhaite ça à tous les artistes.


-Votre répertoire est essentiellement sentimental. Sauriez vous vous passer d'amour ?
-Jamais. Il y a des gens qui trouvent cette manière de vivre désuette, affirmant que ce n'est pas cela, vivre. Ils ne s'aperçoivent pas que la seule chose qu'ils cherchent, c'est ça. C'est triste. " La différence ", c'est une chanson d'amour qui se rattache à un thème social. Le sentiment peut se décliner de mille façons. Ce n'est pas forcément quelque chose de ringard.

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